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Comm'CGT - Recours au 49.3 : le Gouvernement veut contraindre le débat parlementaire

Montreuil, le 3 mars 2020

Samedi après-midi, E. Philippe a annoncé recourir à l’article 49 al. 3 de la Constitution concernant le projet de réforme des retraites, pour mettre fin aux débats parlementaires sur le texte et les amendements déposés. Cet article permet de mettre fin aux débats et de faire adopter un texte sans vote en engageant la responsabilité du Gouvernement.

Le texte sur lequel le Premier ministre a engagé la responsabilité du Gouvernement n’est pas le texte initial, mais un texte intégrant environ 300 amendements, qui proviennent en grande partie du groupe LREM. Ce nouveau texte fera l’objet d’une analyse qui vous parviendra prochainement.

1. Une fois le recours au 49 al. 3 annoncé : - les débats parlementaires sont clos et les députés ont 24 heures pour déposer une motion de censure signée par au moins un dixième d’entre eux (58). Deux motions de censures (LR et gauche [LFI, PCF et PS]) ont été déposées dans les délais - Un vote sur ces motions doit être organisé et devrait intervenir mardi soir à l’Assemblée (le vote ne peut intervenir moins de 48 heures après le dépôt des motions et plus de 3 jours suivant l’expiration de ce délai de 48 heures).

Pour être adoptées et contraindre le Gouvernement à la démission, les motions doivent être votées par la majorité des députés composant l’Assemblée, à savoir 289 députés. Les abstentions et les absences ne sont pas comptées et valent donc comme un vote contre la motion de censure. Le groupe LREM est majoritaire à l’Assemble nationale. Les députés non LREM comptent donc 278 sièges, soit 11 de moins que le nombre nécessaire pour adopter les motions de censure. Il faudrait donc un vote de députés LREM « frondeurs » pour que les motions de censure soient adoptées.

Au-delà de l’utilisation en elle-même du 49 al. 3 qui constitue un véritable déni de démocratie, la méthode utilisée montre tout le mépris du Gouvernement pour le débat parlementaire :

- Le recours au 49 al. 3 a été annoncé un samedi, à la suite d’un Conseil des Ministres exceptionnel réuni le matin même qui devait être consacré au corona virus. Le Gouvernement avait tout intérêt à attendre le samedi pour prendre les députés de cours et que les 24 heures dont ils disposent pour déposer la motion de censure tombent en plein milieu du weekend.

- Le moment où le recours au 49 al. 3 est annoncé n’est pas neutre. Il intervient après les débats sur les régimes spéciaux, et au moment de l’analyse de l’article 8 sur la valeur du point et le montant des pensions, sujets sur lesquels le gouvernement est particulièrement en difficulté. - E. Philippe justifie le recours au 49 al. 3 pour mettre fin à « l’obstruction » des députés qui ont déposé 41.000 amendements. On est pourtant loin des 137.449 amendements déposés en 2006 sur la loi autorisant la privatisation de GDF, qui n’a pourtant pas fait l’objet d’un recours au 49 al. 3.

- Le gouvernement dispose d’une majorité à l’Assemblée nationale, ce qui ne justifie donc pas le recours à l’article 49 al. 3.

2. Rien n’est terminé Si les motions de censures ne sont pas votées majoritairement, le projet de loi est adopté en l’état par l’Assemblée nationale. La procédure législative et les débats ne sont pas pour autant finis.

D’une part, le texte est seulement adopté dans le cadre d’une première lecture par l’Assemblée nationale. La navette parlementaire reprend et les débats se poursuivent donc au Sénat (ou le groupe LREM n’est pas majoritaire) dans le cadre de la procédure accélérée, avec une possibilité d’amendement. Il n’est pas possible d’utiliser l’article 49 al. 3 devant le Sénat, mais l’article 44 al. 3 permet un vote bloqué pour faire adopter tout ou partie d’un projet de loi en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement.

Si le Sénat ne vote pas un texte identique à celui de l’Assemblée, une commission mixte paritaire (CMP) composée de 7 députés (4 de la majorité et 3 d’opposition) et de 7 sénateurs (4 de la majorité et 3 d’opposition) est réunie et chargée de proposer un texte. - Si la CMP trouve un accord sur un texte, le Gouvernement peut soumettre ce texte aux deux chambres sans possibilité d’amendement, sauf accord du Gouvernement sur les amendements. - En cas d’échec, le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement après une dernière lecture par les deux chambres selon la procédure ordinaire, donc avec la possibilité de déposer à nouveau des amendements. Notons que Gouvernement s’était engagé à tenir compte des travaux de la conférence sur le financement et devrait donc intervenir sur ce texte par le biais d’amendements.

Enfin, l’Assemblée délibère dans un cadre strictement délimité : elle statue soit sur le texte de la CMP s’il y en a un, soit sur le texte qu’elle a adopté au cours de la nouvelle lecture, mais dans ce cas, elle ne peut adopter d’autres amendements que ceux adoptés par le Sénat lors de sa nouvelle lecture.

Le Gouvernement peut réutiliser l’article 49 al 3 lors de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, comme ça avait été le cas pour la Loi Travail en 2016.
D’autre part, l’article 49 al. 3 ne concerne que le projet de loi ordinaire sur la réforme des retraites. Le Gouvernement ne pourra pas recourir à cet article sur le projet de loi organique, qui contient notamment la règle d’or de l’équilibre budgétaire, car il ne peut être utilisé que sur un seul projet par session parlementaire. Le projet de loi organique devrait être débattu dès mercredi à l’Assemblée et faire l’objet de nombreux amendements, même s’il ne contient que 5 articles.

L’objectif du Gouvernement est que la réforme soit adoptée avant l’été. La session à l’assemblée n’est ouverte que jusqu’au 30 juin car des travaux sont prévus de juillet à début septembre. Ceux-ci conduiront à la fermeture provisoire de l’hémicycle de l’assemblée nationale. Or, les séances publiques peuvent uniquement avoir lieu dans ces lieux. Par ailleurs, Gérard Larcher a envoyé une lettre au Premier Ministre pour lui demander officiellement de différer de quinze jours l’examen de la réforme des retraites au Sénat, afin d'attendre les conclusions de la conférence de financement, et les prendre en compte. L’examen en séance serait ainsi organisé début mai, au lieu de fin avril. Le Gouvernement n’est pas assuré de tenir son calendrier.

Malgré les nombreux instruments à sa disposition pour forcer le pas aux parlementaires, le Gouvernement ne pourra pas totalement piétiner l’opposition et devra encore respecter de nombreuses étapes dont il ne pourra pas s’affranchir.

Rien n’est joué, continuons toutes et tous à prendre part à toutes les initiatives « grève, rassemblement, carte pétition… » Pour poursuivre notre opposition à ce projet et porter nos propositions d’amélioration du système actuel de retraite auprès de l’ensemble de la population.

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